Cette semaine, j’entame le projet avec les habitant.es du Foyer de Vie de Lalbenque et des bénéficiaires de Lot Aide à Domicile des secteurs de Castelnau-Montratier et Lalbenque. Ce nouveau temps du projet est l’occasion de sortir des institutions médicalisées pour aller à la rencontre de personnes qui vivent soit chez elles, soit dans un environnement sans prise en charge médicale.

Au Foyer de Vie de Lalbenque, je rencontre les sept habitant·es du lieu ainsi que les éducateurs et éducatrices qui les accompagnent au quotidien. La structure prend place dans une belle bâtisse située au cœur du village, donnant sur l’axe principal. Dans la maison, chacun·e dispose de sa chambre et les autres pièces de vie sont partagées :une grande cuisine salle à manger, deux salles de bain dont une avec baignoire au rez-de-chaussée, puis un grand salon à l’étage. La vie est rythmée par des activités individuelles choisies par chacun·e en concertation avec l’équipe éducative (quelques heures de bénévolat dans des structures du village comme la cantine scolaire, l’ehpad, Les Restos du Cœur ou les services municipaux), des activités collectives (promener les chiens du refuge de Cahors, aller à la piscine, aller faire les courses, etc.) et les tâches ménagères qu’ils et elles effectuent à tour de rôle. Mes interventions photo se glissent dans cet emploi du temps déjà bien chargé. Nous avons imaginé, avec le coordinateur du Foyer de Vie et avec l’accord du groupe, des temps de rencontre permettant une découverte de la photographie et la réalisation d’un travail collectif avec l’image. En effet, au regard de leurs capacités et de leurs envies, il nous a semblé pertinent d’envisager davantage un atelier photographique plutôt que des prises de vue dirigées comme ce que j’ai pu mettre en place avec les autres institutions. Le sujet restant le même, c’est-à-dire photographier leur cadre de vie : leur maison, le village et les différents lieux qu’ils et elles fréquentent régulièrement pour leurs activités. Nous avons donc loué de petits appareils photo afin que chacun·e puisse en disposer d’un et que nous fassions le travail ensemble. Les deux séances qui ont eu lieu durant cette première semaine sont l’occasion de photographier le village et la maison. Pour ce faire, nous suivons d’abord un itinéraire nous conduisant dans différents lieux choisis par le groupe, représentatifs de leur quotidien : la maison de retraite, les Restos du Cœur, la piscine, la rue principale, l’église, puis le jardin situé derrière. Au fil de la marche, nous effectuons des photographies des lieux et de certaines personnes du groupe, moi comprise. Comme avec les femmes d’Ivry (6), je les photographie en train de faire des photos ou bien à leur demande, posant à certains endroits. Quasiment après chaque photo prise, ils et elles viennent me demander mon avis afin d’être rassuré·es sur le rendu. Les personnes du groupe sont très soudées entre elles et souvent, elles s’entraident et se conseillent. Lors de la seconde séance, nous photographions l’intérieur de la maison : je fais des photos de chaque pièce avec et sans eux, en fonction des demandes et chacun·e réalise des images de détails des différentes pièces. Nous ferons sûrement une petite édition avec ces photos pour garder une trace de la vie du lieu. Ce livret sera à leur disposition pour être montré aux proches. Le reste du temps où je ne suis pas au Foyer de Vie, je pars à la rencontre de bénéficiaires de Lot Aide à Domicile. Je rencontre cette semaine quatre personnes vivant seules ou en couple et où interviennent régulièrement des auxiliaires de vie. Pour chaque bénéficiaire, la situation est singulière : un couple dont une des personnes est en perte d’autonomie, l’aidant plus en capacité de tout assumer ; des personnes vivant seules et ayant besoin d’une aide quelques heures par mois ou plusieurs fois par jour pour aider au lever, à la toilette, au repas et au coucher. Souvent, les auxiliaires sont les uniques contacts que ces personnes ont avec l’extérieur. Ils et elles occupent une place centrale dans leur quotidien. Mon travail photographique est l’occasion d’interroger les changements visibles engendrés par cette prise en charge dans les espaces domestiques : une feuille de suivi de soin dans la cuisine, le stockage des protections hygiéniques dans le couloir, un lit médicalisé dans la chambre, etc. C’est évidemment beaucoup plus diffus qu’en ehpad ou mas mais cela commence à impacter le quotidien, notamment de l’aidant·e qui doit apprendre à vivre avec un environnement qui se médicalise.
Les personnes qui me reçoivent le font pour des raisons diverses : l’une d’entre elles tient absolument à ce qu’on parle du rôle essentiel joué par les auxiliaires de vie qui lui garantissent le maintien à domicile. Elle insiste pour que je revienne photographier le jeune homme qui intervient chez elle pour le mettre en valeur. D’autres personnes me font venir afin de parler, pour rencontrer une nouvelle personne, un peu comme bon nombres de personnes que j’ai pu rencontrer dans divers territoires : les personnes sont au départ réticentes, puis nous échangeons, elles me racontent un bout de leur vie et elles me donnent ensuite leur accord pour réaliser des photos.

Cette première semaine en dehors de l’Ehpad et de la mas est l’occasion d’ouvrir davantage mon sujet et de questionner ce que j’ai pu faire jusque-là, en réfléchissant à la manière dont je vais pouvoir tisser des liens entre les différents lieux photographiés et les différentes personnes rencontrées. 

 
[6] Hortense Soichet, Hier, on est sorties faire des photos, Grâne, Créaphis, 2022.